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A la tête du champagne Pierre Paillard avec son frère Quentin, Antoine Paillard pose, à 36 ans, un regard très éclairé sur la Champagne. Mais ne nous vous y trompez pas, avant d’être Champenois, ce vigneron est d’abord un Bouzillon, un « Terroirien » pure souche, passé maître dans l’art de sublimer les Pinots Noirs de son cru.

 

Vous incarnez avec votre frère Quentin la huitième génération. A 25 ans seulement, comment décide-t-on de pérenniser l’aventure familiale ?

Antoine Paillard : Au risque d’en étonner plus d’un, revenir sur le Domaine ne faisait absolument pas partie de mes ambitions même si produire du vin m’a toujours fasciné. Gamin, j’adorais assister aux retrousses au moment des vendanges. Je faisais tout pour ne pas aller à l’école, je préférais les observer. Mais paradoxalement, j’ai toujours appréhendé la question de mon père « qui reprendra le Domaine ? ».
Diplômé d’une Ecole de commerce, je me destinais au marketing. J’ai même intégré une entreprise de téléphonie jusqu’à ce que mon père, Benoît, me dise en 2008 « reviens passer 6 mois au Domaine, tu verras » et… je n’en suis jamais reparti. Quentin est arrivé peu de temps après.

Quel a été l’élément déclencheur ?

AP : Quentin et moi avons pris conscience du projet global et de tout ce que ça impliquait. A l’époque, nous pensions à tort, qu’être vigneron, c’était surtout être à la vigne par tous les temps. Mais nous avons vite compris qu’être Artisans-Vignerons, c’était surtout un métier de tous les possibles. Un métier dans lequel il fallait savoir allier créativité, audace et ambitions stratégiques.
Parallèlement, à la même époque en 2008, les Champagnes de vigneron et la notion de terroir ont commencé à se développer. C’est ce qui m’a définitivement convaincu.

Pas trop dur de travailler avec son frère au quotidien? Comment vous répartissez-vous les rôles ?

AP : On a de la chance, on est différents. A chacun son périmètre. Quentin gère toute la partie « Business Developpment ». Moi, je suis en charge de toute la partie production. Par contre, nous vinifiions ensemble.
De mon côté, pour parfaire mes connaissances techniques, j’ai repris une formation intensive à Avize et dans d’autres organismes de formation. J’ai également beaucoup appris sur le terrain en échangeant avec d’autres vignerons. Et puis notre père est resté présent à nos côtés pendant 10 ans pour nous accompagner et nous guider tout en nous faisant pleinement confiance sur nos choix. On ne pouvait pas rêver mieux.

Quelle est votre plus grande fierté ?

AP : Elle est loin d’être facile cette question (rires). C’est d’avoir réussi à mettre en lumière ce sublime terroir de Bouzy et ses Pinots Noirs structurés. Nous avons hérité d’un terroir extraordinaire.
Je suis également fier de ma région. Elle est en train d’opérer un virage conséquent. Je trouve qu’en ce moment, la Champagne est magique car tous les vignerons se posent la même question : comment faire mieux ?. Je ressens cette espèce d’énergie collective qui, je pense, est prometteuse.

Que représente pour vous votre entrée au sein des « Artisans du Champagne » ?

AP : On a la chance d’en faire partie depuis sa création en 2009. On a tout de suite adhéré à cette philosophie un peu rock n’roll insufflée par l’ensemble de ses membres, celle de « faire son métier avec sérieux, sans se prendre au sérieux ». L’objectif des Artisans, ça n’est pas de faire du business. C’est de présenter le fruit de son travail et de PARTAGER. Pour nous, le Champagne, c’est d’abord un vin de terroir avant d’être un vin d’assemblage ou une marque. La Champagne est bien plus profonde qu’on ne le pense, elle est identitaire, pleine de caractère et terroirienne ! L’objectif des Artisans, c’est de pouvoir faire découvrir au monde entier la singularité de chaque terroir.

Selon vous, qu’est-ce qu’un bon Champagne ?

AP : C’est celui qui me met en émoi, quand je sens que le vigneron a maitrisé son art. C’est quand je me dis « Waouh ! Ça, c’est un beau canon ! ».

Votre souvenir d’un millésime mémorable ?

AP : Deux dates me viennent spontanément à l’esprit. 1976 et 2002. Il s’agissait de vieux Millésimes que j’ai eu la chance de déguster chez les Gratiens (ndlr : Champagne Alfred Gratien). C’était à la fois une dégustation plaisir et éducative. C’est incroyable de voir à quel point un même vin peut être si différent dès lors que le geste de l’homme diffère.

Un plat pour accompagner un bon vin ?

AP : Pour moi, les meilleurs accords sont ceux du sommelier qui vous sert un vin sur-mesure parce qu’il a compris l’état d’esprit de la table et de ses hôtes. J’aime bien me laisser surprendre.

La Champagne dans 10 ans, vous la rêvez comment ?

AP : Identitaire et émotionnelle. D’un point de vue plus pragmatique, je ne suis pas sûr que dans 10 ans, les Champagnes vendus à 15€ existeront encore. Continuer à valoriser nos vins doit rester l’affaire de tous.